La compétition sportive optimisée par une dimension intérieure

Extraits de « Sport et Méditation » de Sri Chinmoy aux Editions La Flûte d’Or

Se mesurer à soi-même

Lorsque vous êtes en compétition, rappelez-vous que vous ne vous mesurez pas à la personne qui est à côté de vous ni à ceux qui sont devant ou derrière vous. Vous ne vous mesurez qu’à vous-même. Sinon, toutes sortes de mauvaises idées vous viendront à l’esprit. Votre attitude sera de battre quelqu’un coûte que coûte et ce sera votre destruction. Mais si vous ne courez avec d’autres concurrents que pour courir le plus vite possible et faire votre meilleur temps, alors quel que soit votre résultat, vous serez heureux.

Notre philosophie est la transcendance de soi. Il se trouve que j’ai été un athlète. Je peux dire que j’ai atteint un certain niveau et que je suis très fier de moi, mais il suffit que je regarde autour de moi pour constater que quelqu’un d’autre peut facilement me battre. C’est pourquoi, si on entre dans le monde de la compétition pour tenter de battre le monde entier, on sera forcément déçu. Nous pourrons être les premiers à un moment, mais l’instant d’après, quelqu’un d’autre nous dépassera. Dans le monde de la compétition, il n’y a donc jamais de paix ; il y a toujours quelqu’un de meilleur que soi. Mais si l’on essaye de ne rivaliser qu’avec soi-même pour améliorer son propre niveau, on sera toujours content.

La Joie est dans le progrès et non dans le succès

Nous courons au plus vite lorsque nous ne regardons ni à droite, ni à gauche. Si nous nous laissons distraire en pensant à une personne qui se trouve, soit à côté de nous, soit derrière nous, au lieu de penser au but lui-même, nous ne réussirons pas à atteindre le but. Ne pensez qu’à votre but, tout le temps, et votre problème sera résolu.

Il devrait toujours y avoir un but. Avoir un but ne signifie pas que nous devons essayer de battre les meilleurs coureurs du monde, loin de là. Il y a quelque chose d’essentiel, de nécessaire et d’inévitable que nous appelons progrès, et le progrès lui-même est l’expérience qui donne le plus de lumière.

Je pense que l’amélioration est nécessaire pour faire des progrès. Dans ce monde, nous ne sommes heureux que lorsque nous faisons des progrès. Si nous sommes satisfaits de ce que nous avons à présent et que nous ne voulons pas avancer, nous ne serons pas heureux.

La joie est dans le progrès et non pas dans le succès. Le succès termine notre voyage, mais le progrès n’a pas de fin. Lorsque vous avez un but fixe et que vous l’atteignez, c’est votre succès. Après cela, vous avez fini. Mais si vous n’avez pas de but fixe, si votre but est d’aller tout le temps plus loin, vous ferez constamment des progrès et vous obtiendrez la plus grande satisfaction. Alors ne vous contentez pas du succès. N’aspirez qu’au progrès. Chaque fois que vous faites des progrès, c’est là votre véritable succès.

 

Commentaire de Carl Lewis, champion olympique de sprint

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Carl Lewis JO

« Croyez-moi, la joie qui vient du fait d’aller « au-delà » est le sentiment le plus incroyable au monde. Je l’ai ressentie plusieurs fois. Et j’ai aimé voir d’autres vivre cette expérience. La joie ultime vient lorsqu’on réalise son meilleur absolu, quelle que soit sa place à l’arrivée.
« Pour moi, les Jeux Olympiques sont incarnés dans un des passages préférés de Sri Chinmoy : « Tous les athlètes doivent garder à l’esprit qu’ils sont en compétition non pas avec d’autres athlètes mais avec leurs propres capacités. Quoi qu’ils aient déjà accompli, ils doivent aller au-delà.

 Si vous pensez devant la ligne de départ, vous aurez un départ catastrophique. Les moments les plus calmes que j’ai eus en compétition étaient juste avant le départ, cinq secondes avant le départ. Quand ils disaient : « À vos marques, à vos blocs… », c’étaient là mes moments les plus intenses de méditation. Je ne pensais à rien, je ne pensais pas à la course, à ce que j’avais à faire, à ma performance, à quelle place j’allais arriver. Mon mental devenait complètement figé pour pouvoir écouter le pistolet. Alors il pouvait y avoir des millions de gens et quelqu’un pouvait hurler dans mes oreilles, je n’entendais rien. Et le seul fait d’écouter le coup du pistolet était tellement paisible et calme. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles je n’ai jamais fait de faux départ, parce que je ne m’inquiétais jamais du son du pistolet avant qu’il ne parte.

Vous devez être un expert en concentration et en méditation parce que vous devez être capable de vous concentrer sur quelque chose à des moments très stressants. Vous devez pouvoir bloquer tout ce qui peut encombrer votre mental ou changer le cours de vos pensées, et vous devez aussi avoir la foi. La méditation m’a aidé à éliminer certains des problèmes qui surviennent en tant qu’athlète. Surtout pour un athlète de classe mondiale, il y a beaucoup de pression en compétition. La méditation m’a aidé à éliminer beaucoup de pression d’une part, en ayant la foi et d’autre part, en ne me souciant pas de ce que les autres faisaient sur le stade. Lorsque je médite, je me sens plus détendu et calme. C’est ça le truc : cela enlève la pression. C’est ce que je ressens le plus : la paix et la confiance. »

« Ce que d’autres appellent pression, je l’appelle aspiration. »

« À la maison, d’habitude, je médite, et sur le stade, je prie toujours. Il y a des jours où je préfère me contenter d’être calme et rester dans une conscience méditative, mais je dis toujours une prière. C’est une chose que je n’oublie pas de faire avant chaque compétition. Je ne pense pas à la course ; c’est bien plus. Je prie pour tous les athlètes, pour qu’aucun ne se blesse et que tous restent en bonne santé. Dans un entraînement mental, on se concentre sur soi-même pour battre les autres, mais dans la méditation, on se concentre sur soi-même pour donner le meilleur de soi. » 

« Si vous pouvez trouver une force provenant de l’intérieur et une puissance provenant de l’intérieur, avec cela, vous pouvez réaliser tous les buts que vous vous êtes fixés. » 

 

« Croyez-moi, la joie qui vient du fait d’aller « au-delà » est le sentiment le plus incroyable au monde. Je l’ai ressentie plusieurs fois. Et j’ai aimé voir d’autres vivre cette expérience. La joie ultime vient lorsqu’on réalise son meilleur absolu, quelle que soit sa place à l’arrivée.Pour moi, les Jeux Olympiques sont incarnés dans un des passages préférés de Sri Chinmoy : « Tous les athlètes doivent garder à l’esprit qu’ils sont en compétition non pas avec d’autres athlètes mais avec leurs propres capacités. Quoi qu’ils aient déjà accompli, ils doivent aller au-delà. »   —Carl Lewis

Pourquoi la compétition ?

Nous nous demandons parfois si cela vaut la peine de prendre tant de mal, de temps et de soin à ce que nous faisons. Mais dans la vie, nous agissons pour être satisfait. Nous ne ferons rien d’inutile si nous ne voyons pas ou ne ressentons pas de satisfaction au bout de notre accomplissement. Cette satisfaction peut être soit éphémère, soit durable.

Beaucoup d’athlètes ne trouvent d’inspiration et d’enthousiasme que lorsqu’ils se mesurent à d’autres. Je ne peux pas leur en vouloir. Si quelqu’un est en mesure de se mesurer à quelqu’un d’autre, cela veut dire qu’il est inspiré, il est enthousiaste. En entrant en compétition avec quelqu’un, il peut faire venir en avant ses meilleures capacités. Sinon, il pourrait être léthargique. Il pourrait ne pas s’entraîner chaque jour. La discipline physique n’entre en jeu dans sa vie que lorsqu’il sait qu’il doit entrer en compétition avec quelqu’un, autrement il ne prendrait pas son entraînement au sérieux.

Notre but ne devrait pas être de dépasser les autres, mais de constamment dépasser nos propres résultats précédents. Nous ne pouvons estimer correctement notre capacité sans certains niveaux de comparaison. C’est pour cela que nous faisons de la compétition : non pas pour battre les autres, mais pour faire venir en avant notre propre capacité. Notre meilleure capacité ne se manifeste que lorsqu’il y a d’autres personnes autour de nous. Ces personnes nous inspirent à faire venir en avant nos aptitudes les meilleures et nous les inspirons en retour à faire venir en avant leurs aptitudes les meilleures.

Si vous participez à des courses, cela ajoutera à votre force et à votre détermination dans les mondes intérieurs. En pratiquant chaque jour, vous n’avez en général pas la même forme de détermination que lorsque vous courez une course. Dans une course, même si vous êtes un piètre coureur, vous êtes déterminé à faire de votre mieux, alors vous rassemblez toutes vos forces et votre détermination intérieures. Cette détermination entre aussitôt dans la Conscience Universelle, et se répand comme un feu de paille. Et ensuite, un coureur en Australie ou en Afrique ou n’importe où ailleurs dans le monde ressentira soudain une explosion d’énergie. Elle viendra de vous et de personne d’autre.

  

Restez intériorisé avant les grandes courses

« Avant les éliminatoires des Jeux Olympiques de 1996, mon ami, Sri Chinmoy m’a appelé de New York pour me souhaiter bonne chance pour les éliminatoires. Il m’a également offert ses conseils : « Prends ton temps pour être tranquille. Il va y avoir tellement d’activités, tellement de distractions, tellement de gens qui vont parler autour de toi et sur toi. Ne permets à personne d’épuiser l’énergie de ton cœur. » C’était là un conseil qui fait partie des grands classiques de Sri Chinmoy. Ses pensées sont tellement directement branchées sur le cœur. Elles proviennent du cœur et conduisent au cœur. Pour finir, Sri Chinmoy m’a suggéré de trouver une heure par jour pour être seul et en silence. Pas de télévision, pas de téléphone, pas d’amis ni de partenaires d’équipe. Moi seul et mes pensées, et une chance de me connecter à une puissance supérieure. » —Carl Lewis

« Je commence ma préparation et ma concentration pour mon épreuve non pas une ou deux heures avant, mais un jour ou deux avant. J’essaye autant que possible de plonger en moi, de moins voir de monde. Aux conférences de presse, j’essaie de ne pas être trop ouverte. Je préserve mes émotions, je les garde en moi, sinon, quand je parle avec mon cœur, cela m’enlève toute mon énergie. Quand je reste concentrée en moi, je réfléchis à des choses sérieuses, je ne vois que mes proches et les gens que j’aime. J’essaye de garder mon cœur brûlant et mon mental frais. À ces moments-là, j’aime parler de philosophie, des buts de la vie. Cela me permet de rester concentrée sur la compétition.»    —Tatyana Lebedeva

 

Participer à une compétition

Il faut se dire que nous ne sommes pas les acteurs, le seul Acteur est le Suprême. Nous devons ressentir que l’inspiration de notre action ne vient pas de nous, et que le fruit de l’action ne nous appartient pas non plus. Avec le sentiment de n’être que des instruments du Suprême, nos actions peuvent être parfaites.

La nervosité n’apparaît que lorsque nous pensons être les acteurs. Mais si l’Acteur est quelqu’Un d’autre, nous ne sommes alors que les témoins de l’action. Notre succès ou notre échec dépendent de Lui. Contentons-nous d’être de bons instruments. Par contre, si nous avons l’impression d’être ceux qui agissent, c’est là que les problèmes commencent.

Avant le départ de la course, méditez avec la plus grande ferveur pendant cinq minutes. Essayez de ressentir que ce n’est pas vous qui faites la compétition, mais que quelqu’Un d’autre court en vous et à travers vous. Vous n’êtes que le témoin, le spectateur, et comme c’est quelqu’Un d’autre qui court, vous avez toute la liberté de regarder et d’apprécier la course. Pendant la compétition, il est parfois très difficile d’apprécier la course. Soit l’esprit de compétition ou la frustration vous tuent, soit votre corps ne répond pas à votre volonté mentale et vous avez vraiment l’impression de mourir. Tant de problèmes peuvent survenir.

Mais avant de partir, si vous pouvez vous convaincre que vous êtes un observateur divin et que quelqu’Un d’autre fait la compétition en vous, à travers vous et pour vous, alors la peur, le doute, la frustration, l’anxiété et toute autre force négative ne pourront pas assaillir votre mental. Dès que ces pensées occupent le mental, elles essaient d’entrer dans le vital, puis dans le physique. Une fois dans le physique, elles créent de la tension et cela vous fait perdre tout votre pouvoir de concentration. Mais si vous pouvez vraiment ressentir que vous n’êtes pas le concurrent et que vous observez la compétition du début à la fin, vous n’aurez pas de tension et ces forces ne vous attaqueront pas. C’est la seule manière de vaincre ces forces et de maintenir le plus haut niveau de concentration du début à la fin.

Détendez-vous

La relaxation est d’une importance capitale pour tous les athlètes. Vous devez commencer par vous détendre psychiquement, dans votre cœur. Puis vous devez vous détendre au niveau mental, puis vital et enfin physique. Si vous êtes détendu au moment où vous voulez agir, vous recevez une force dans votre cœur, dans votre mental, dans votre vital et dans votre physique. Vous recevez également une force dans votre âme. Ce sont cinq forces importantes, des forces intérieures, qui vous aident secrètement. La relaxation signifie une aide du monde intérieur secret. Aussi la relaxation est-elle d’une importance capitale dans tout ce que vous faites. Mais il faut que ce soit de la relaxation, et non pas un plaisir procuré par la léthargie. La relaxation peut s’établir très vite si vous pouvez rendre votre mental calme, silencieux, vide. En rendant votre mental calme et silencieux, vous verrez que vous pourrez détendre très rapidement toutes les parties de votre être.

La pureté gagne

Prenons deux athlètes du même niveau sur le plan physique, dont vous-même. Si vous êtes pur et l’autre ne l’est pas, que va-t-il se passer ? Si vous avez vraiment le même niveau, vous battrez assurément l’athlète impur. Dès que vous toucherez votre poids, vous serez capable de contrôler vos pensées mentales, comme vos pensées vitales et vos pensées physiques. Mais lorsque l’autre athlète tiendra son poids, il regardera autour de lui pour voir si les autres le regardent. Or dès qu’il pense aux spectateurs, il perd une partie de sa force. Dès qu’il s’identifie avec le public, il reçoit leurs soucis, leur anxiété et leurs tensions. Par contre, si vous êtes pur, lorsque vous lancez le poids, dès que vous le prenez, il n’y a plus que vous et le Suprême. Vous ne permettez pas à votre vital de venir en avant. Vous n’ouvrez ni la porte physique, ni la porte mentale. La pureté est votre garde du corps. Elle ne permet à aucune mauvaise force d’entrer en vous. Vous n’avez pas la moindre idée de qui est bon, qui est mauvais, qui est votre ennemi. Votre pureté-gardienne est très stricte. Elle ne laissera rien de mauvais entrer dans votre mental. Ainsi, entre deux athlètes de même capacité, le plus pur des deux gagnera à coup sûr parce qu’il ne permettra à aucune force extérieure de l’attaquer au moment de la compétition.

Comment rester calme en cas de problèmes

Vous devez être, soit intelligent, soit connecté à votre vie intérieure. Si vous êtes intelligent, vous pouvez vous dire que ça pourrait être pire ; en disant cela, vous trouverez une certaine relaxation et une paix de l’esprit, ou une tranquillité. Mais si vous êtes connecté à votre vie intérieure, vous pouvez méditer avec force 15 à 20 minutes avant la course. Cela vous permettra d’acquérir une immense force mentale. Une fois que vous aurez acquis cette force, aucun des problèmes qui peuvent surgir pendant une course ne pourra vous déranger. Votre force mentale pourra vaincre la force de ces soi-disant problèmes avant et pendant la course.

Comment garder le rythme lorsqu’on court seul

À ce moment-là, il faut utiliser son chronomètre. Si vous savez que vous pouvez courir sept miles à une vitesse inférieure à cinq minutes par mile, essayez d’améliorer votre capacité. Vous êtes peut-être en avance sur les autres coureurs, mais vous n’êtes pas en avance sur votre meilleur temps possible. Supposons que vous comptiez courir à une vitesse de 4:30/mile (2:48/km), et que tous les autres coureurs se trouvent derrière vous : du coup, vous n’êtes pas inspiré ou vous n’avez pas envie de vous battre. Regardez simplement votre chronomètre et considérez-le comme un autre rival ou un concurrent. Vous serez alors inspiré à courir plus vite.

Lorsqu’on a envie d’abandonner une course

Faisons appel à la sagesse à tout moment. Parfois, nous sommes physiquement fatigués. D’autres fois, nous sommes mentalement fatigués, ou encore émotionnellement fatigués. Et puis, nous pouvons aussi être fatigués sans aucune raison. Notre léthargie mentale nous fait souvent ressentir que nous ne sommes pas capables de finir la course, ou que si nous la finissons, elle n’aura aucun intérêt pour nous. Notre mental a tellement de manières de nous convaincre qu’il est vain et inutile de continuer. Le mental nous fait ressentir que nous nous tuons sans aucune raison.

Lorsque la léthargie mentale ou notre propre mauvaise volonté nous torturent, nous ne devons pas nous soumettre à ces mauvaises forces. Notre devise est : « Ne jamais abandonner ! ». Ce n’est qu’après avoir donné tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes que nous pouvons abandonner, si c’est absolument nécessaire. Sinon, nous faisons la pire des erreurs. La plupart du temps, il y a toutes les chances que nous soyons capables d’arriver à notre destination. Et une fois arrivés à notre destination, nous serons les plus heureux et les plus fiers des coureurs.

Même si vous pensez que vous n’arriverez pas à atteindre votre but, n’abandonnez jamais une course. Si vous abandonnez une fois, vous abandonnerez une autre fois. Vous devez accepter de pouvoir courir une mauvaise course et savoir que le sport ne consiste pas seulement à gagner des médailles ou à être le numéro un. Je crois fermement que l’homme ne se mesure pas seulement à ses performances extérieures mais également à ses accomplissements intérieurs. Terminer une course qui se passe mal et accepter son issue peut être un grand accomplissement. Le sport n’est pas la vie tout entière. Une mauvaise performance est toujours un nouveau défi. » —Paul Tergat

Au delà du résultat

La défaite peut être une réalité qui nous prépare secrètement à courir plus vite.

Enfants, nous avons appris à marcher au prix de nombreuses chutes. De même, nous ne devenons des coureurs rapides qu’au prix de nombreuses courses perdues. Nous ne devenons de bons lutteurs qu’au prix de nombreuses défaites. Si je suis malheureux en voyant quelqu’un d’autre que moi gagner une course, cela ne m’aidera pas. Mais si je peux apprécier sa vitesse, une partie de sa capacité entrera automatiquement en moi. Une appréciation sincère nous fait gagner en capacité. Lorsque je vois quelqu’un courir à toute vitesse, je sens vraiment que je suis cette personne. Si vous pouvez vous identifier avec le succès des autres au lieu de les envier, vous trouverez beaucoup plus de joie dans votre vie. Et bien sûr, si vous pouvez vous identifier également avec leurs défaites, vous apprendrez la compassion et la bonté en même temps que vous enrichirez votre propre expérience.

Si vous méditez, vous pourrez facilement ressentir la même joie que celle du gagnant, même si vous perdez. Et de plus, vous pourrez ressentir la joie du gagnant comme votre propre joie, bien à vous. Ce n’est pas une illusion, car la méditation vous donne la force de l’unité. Ainsi le gagnant et le perdant peuvent-ils s’identifier l’un à l’autre grâce à leur méditation. De plus, si vous êtes le gagnant et si, par la force de votre méditation, vous pouvez établir votre unité solidaire avec le perdant, vous trouverez non seulement la joie de votre victoire, mais une joie supplémentaire. Vous augmenterez votre bonheur en vous identifiant avec le perdant. Votre solidarité et votre sollicitude vous offriront une grande satisfaction, une forme de satisfaction que vous n’avez pas en gagnant.

Un athlète pratique sérieusement pendant trois ou quatre mois et ensuite, pendant la compétition, il doit montrer ce dont il est capable. S’il ne réussit pas bien, il pourra se dire : « Oh, j’ai fait tant de sacrifices pendant tant de mois, quel résultat déplorable! ». Mais en réalité, ce n’était pas un sacrifice. Il a donné de lui-même pendant un certain temps, et maintenant, il reçoit le résultat sous forme d’expérience. L’aspirant qui reconnaît son unité intérieure avec le reste du monde ne se sentira ni triste, ni désespéré s’il ne réussit pas très bien. Ce genre d’expérience —le succès comme l’échec— est absolument nécessaire pour tout le monde.

Du point de vue spirituel, on dit qu’il n’y a pas de sacrifice lorsqu’il y a un sentiment d’unité. Par contre, là où il y a un sentiment de pluralité, il y a toujours un sacrifice ; sinon, tout est unité, toute unité. Si je fais ceci et vous faites cela, tout fait partie du Jeu Cosmique de Dieu. Il n’y a ni moi ni vous, il n’y a ni gagnant ni perdant. Tout n’est qu’une seule réalité, une réalité-unité.

Chaque fois que nous défions quelqu’un, nous nous affaiblissons intérieurement. Mais lorsque nous établissons notre unité avec quelqu’un, nous recevons une force. Lorsque vous établissez votre unité avec les autres, vous étendez immédiatement votre conscience. Si quelqu’un fait quelque chose de bien, vous devez avoir le sentiment que c’est vous qui l’avez fait. Les autres devraient ressentir la même chose lorsque vous faites quelque chose d’important. Chaque fois qu’un individu fait quelque chose de vraiment bien, nous devons ressentir que c’est notre inspiration et notre aspiration conscientes qui ont permis à cette personne de réussir son entreprise. Avec cette attitude de travail d’équipe, nous pourrons conquérir l’ego. Conquérir l’ego, c’est gagner une liberté illimitée. L’ego humain ne peut jamais, dans aucune circonstance, faire l’expérience de la véritable joie intérieure. La joie intérieure véritable se crée d’elle-même. Elle ne dépend d’aucune circonstance extérieure ni d’aucun accomplissement.

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L’athlète peut trouver la paix grâce à son sentiment d’unité avec les autres. Avant de commencer la compétition, il peut prendre simplement une petite seconde pour se dire : « Quel que soit celui qui sera premier, je serai également heureux, parce que celui qui va gagner est de toutes façons mon frère ou ma sœur. Si je ne courais pas, ou si je ne sautais pas, il n‘y aurait pas de compétition, et cette personne ne pourrait pas être un vainqueur. Et par ailleurs, si je gagne, ce n’est que parce que d’autres ont également couru et sauté. »

Si nous pensons à l’unité avant d’agir, et si nous pouvons maintenir ce sentiment d’unité pendant et après notre action, la paix règnera toujours. Du début à la fin, nous devons chanter le chant de l’unité. Si par exemple, nous courons un marathon avec des milliers de gens courant vers la même destination, et un coureur arrive le premier, et moi le dernier ; si j’ai pu établir mon unité avec les autres coureurs, je serai tout aussi heureux parce qu’ils font tous partie intégrante de ma vie. Et je ne me sentirai pas désespéré parce qu’une partie de moi a atteint le but avant une autre partie. Sans unité, quoique nous fassions, nous ne sommes pas heureux. Même lorsque nous réussissons, la joie que nous avons ne dure pas.

Quand je regarde une saison comme 1996, le but ultime pour moi n’était pas nécessairement de gagner la médaille d’or du saut en longueur. Bien sûr, j’ai été content de le faire, mais le but ultime pour moi était de gagner la médaille d’or de l’effort. Même si vous gagnez, (j’ai eu de petites victoires comme de très heureuses défaites), en fin de compte, ce que vous voulez, c’est ressentir que vous avez tout donné parce qu’à ce moment, vous pouvez accomplir la seule chose que vous puissiez accomplir : donner votre meilleur effort. C’est vraiment tout ce qui compte. C’est cela qui fait la différence entre beaucoup de grands athlètes et de grandes personnalités dans notre société. Il y a ceux qui peuvent se permettre d’être détachés du « gagner et perdre », des bonnes et des mauvaises courses, et qui se contentent de dire : « Tout cela et en fait tout ce que je fais dépasse en fin de compte mon contrôle. Je fais simplement de mon mieux et je permets à quelque chose de se passer ; je peux être comblé autrement. »

« Ce que vous devez faire, c’est vous préparer physiquement, émotionnellement et spirituellement pour accepter ce qui se passe un jour donné. Et c’est ce que beaucoup de gens ont peur de faire, c’est de se dire « Bon, j’ai fait tout ce que je pouvais. Tout ce qu’il me reste à faire en ce moment, c’est de courir : le reste n’est pas entre mes mains. » Beaucoup de gens veulent tout contrôler. Ils n’arrivent jamais vraiment au succès qu’ils pourraient atteindre parce qu’ils croient pouvoir contrôler leurs performances ; ils pensent pouvoir contrôler tout ce qu’ils font ce jour-là, alors ils essaient trop de contrôler au lieu de permettre à tout de se produire. Cela fait une grande différence.
« Vous voyez des athlètes qui sont tellement obsédés par leurs performances —« il faut que je batte le record cette fois-ci »— qu’ils semblent ne jamais être contents. Il peuvent battre des records du monde, parce qu’ils contrôlent leur performance et ne permettent pas simplement le « je suis plus rapide que toi » de se produire. Donc c’est beaucoup plus que le simple « j’ai franchi la ligne le premier ». Il y a un processus de « est-ce que je me suis consacré entièrement à cette performance ? Est-ce que j’ai travaillé aussi dur que je pouvais ? Est-ce que j’ai fourni 100% d’efforts ? Est-ce que je me suis permis d’accepter tout ce qui pouvait m’aider à devenir le meilleur possible ? »  —Carl Lewis

Si je considère la défaite comme la victoire comme une expérience, aucun doute ne peut entrer en moi. Le fait de ne pas être capable de faire quelque chose est une expérience, et le fait d’être capable de faire quelque chose est également une expérience. Alors pourquoi douter ? Je considère l’expérience que je traverse dans la victoire et celle que je traverse dans la défaite comme deux expériences également bonnes, aussi le doute ne peut-il me torturer. Il ne me torture que lorsque je dis : « Que va-t-il m’arriver si je n’agis pas, ou que je ne peux pas agir ? » Mais si je n’agis pas, le monde ne va pas s’écrouler ; et si j’agis, cela ne sauvera pas le monde. Si je perds, l’expérience que je reçois vient de l’Au-delà. Et si je gagne, l’expérience vient également de l’Au-delà.

En considérant la victoire et la défaite comme égales, il ne peut y avoir aucun doute, quel qu’il soit. Je suis aussi heureux de pouvoir faire quelque chose ou de ne pas pouvoir le faire, parce que ces deux résultats ne sont finalement que des expériences que je vis, et ces expériences, c’est mon Pilote intérieur qui les vit Lui-même en moi et à travers moi.

Ne pensez pas à l’échec ; soyez joyeux. Si vous avez échoué auparavant, dites-vous que ce jour n’a jamais existé. Rendez votre mental frais et propre. Vivez avec un nouvel espoir et une nouvelle promesse.

L’idée d’échec est une chose déplorable dans la vie de quelqu’un, que ce soit dans le soulever de poids ou dans toute autre discipline. Nous ne devons jamais aimer l’idée d’échec. Nous devons toujours avoir le sentiment de réussir. Il n’y a rien de tel que l’échec permanent. L’échec n’est que temporaire. Même si nous échouons aujourd’hui, demain, nous réussirons à coup sûr.

L’échec est une expérience qui nous éveille. Le succès est une expérience qui nous donne l’énergie pour nous battre pour un succès plus élevé et plus grand.

Carl Lewis, le champion intérieur : rencontre avec Sri Chinmoy

Extraits de « Sport et Méditation » de Sri Chinmoy, aux Editions La Flûte d’Or

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Carl Lewis et Sri Chinmoy à Houston, USA, 1998

Carl Lewis (États-Unis), né le 1er juillet 1961, devint l’une des plus grandes stars de l’athlétisme de tous les temps. Sa carrière couvre les années 1979 à 1997 et comprend neuf médailles d’or olympiques et une d’argent. Sa performance aux Jeux Olympiques de 1984 lui rapporta quatre médailles d’or dans le 100 mètres, 200 mètres, saut en longueur et le relais quatre fois 100 mètres- un accomplissement égal à celui de Jesse Owens aux Jeux Olympiques de 1936.

1ère rencontre

Carl Lewis rencontra Sri Chinmoy pour la première fois le 11 novembre 1983 ; ses recommandations et ses conseils pratiques l’on aidé tout au long de sa carrière olympique. De même que Sri Chinmoy devint son entraîneur intérieur pour la concentration et la méditation, il devint l’entraîneur extérieur de Sri Chinmoy pour le sprint. Après sa carrière olympique, ils ont conservé une très grande amitié.

Ma relation avec Sri Chinmoy a débuté sur le plan spirituel parce qu’il était tellement puissant, tellement aimant, positif et inspirant. Notre rencontre a été un événement positif qui m’a aidé dans mes relations, notamment avec mon club et mes coéquipiers. Plus tard, il m’a inspiré à continuer, en tant qu’athlète. Lorsque j’ai vu Sri Chinmoy soulever des poids, soulever des voitures à son âge, j’ai ressenti que je devais évoluer en tant que personne et en tant qu’athlète.

« J’ai lu beaucoup de choses, mais il y a une chose en particulier qui reste imprimée dans mon esprit, c’est la manière dont Sri Chinmoy dit toujours qu’il faut aller de l’avant, être en avant. J’ai la chance de voir cela parce que comme athlète, j’ai eu des moments merveilleux et des moments difficiles. Mais tant que nous restons concentrés devant nous, nous sommes toujours capables de faire ce que nous avons à faire dans la vie. »—Carl Lewis

Au début de la saison olympique de 1984, Carl Lewis rencontra Sri Chinmoy pour apprendre la concentration et la méditation.

Carl Lewis : Je vous disais que la concentration et la méditation m’ont toujours été étrangères. Je ne pensais pas que je pouvais m’asseoir, méditer et être totalement détendu. Qu’est-ce qui prépare le chemin pour la vie intérieure ?

Sri Chinmoy : Pour trouver l’homme intérieur, vous devez marcher sur la voie du cœur où se trouve le véritable amour, la véritable paix, la véritable lumière et la véritable félicité. Ce dont vous avez besoin maintenant, c’est de la méditation. Si vous n’aviez pas votre force de concentration, vous ne seriez jamais devenu l’homme le plus rapide. Vous avez cette force. À chaque instant, j’observe le pouvoir de votre concentration dans votre vie. Mais maintenant, vous devez développer le pouvoir de la méditation, qui est la paix infinie. Si vous méditez régulièrement, vous gagnerez assurément le pouvoir de la méditation, comme le pouvoir de concentration.

La concentration nous donne la victoire. Mais la méditation nous donne la joie et la confiance. Après avoir atteint la victoire, une forme de peur peut entrer dans notre esprit, une peur de peut-être ne pas avoir autant de chance le lendemain. Aujourd’hui vous avez gagné ; vous êtes tellement heureux. Mais quelques minutes plus tard, il se peut que vous pensiez : peut-être que Calvin Smith fera mieux au prochain meeting. Peut-être qu’après-demain, je ne serai pas aussi performant. Même lorsque la concentration apporte la victoire, vous avez toujours peur de ne pas être aussi performant, ou d’être dépassé par quelqu’un. Il est donc très important d’avoir la puissance de la méditation, qui empêchera le doute de vous attaquer et de vous dérober votre joie. Lorsque vous gagnez avec le pouvoir de la méditation, vous avez gagné pour l’humanité, et cette victoire dure pour toujours.

Préparation pour les Jeux Olympiques de 1984

Sri Chinmoy envoya ce message à Carl Lewis le 18 février 1984, à une période où le champion athlétique rencontrait quelques difficultés dans les épreuves de stade.

Quand vous courez, essayez de ressentir que vous êtes pourchassé plutôt que tiré en avant par quelque chose ou quelqu’un. De cette manière, vous irez plus vite. Si quelqu’un vous pourchasse, votre vitesse sera plus rapide que si quelqu’un se tenait devant vous, et vous tirait vers lui avec une corde. Si vous ressentez qu’un aimant vous tire vers la ligne d’arrivée, vous courez vite ; mais vous courrez plus vite si vous ressentez que quelqu’un vous pourchasse et si vous courez pour sauver votre vie. Imaginez qu’un tigre féroce galope juste derrière vous et qu’à tout instant il peut vous dévorer. Vous connaissez la rapidité d’un tigre ! Alors vous courrez pour votre vie si précieuse et vous courrez au plus vite.

Reprise de confiance pour les JO de 1988

Conversation de Sri Chinmoy avec Carl Lewis le 3 mars 1988 .

En ce qui concerne le saut en longueur, ressentez toujours que vous avez la possibilité de devenir le champion olympique. Ne vous laissez pas intimider, ne serait-ce qu’une seule seconde, par l’idée : «  Peut-être ne le serai-je pas. »  Ce peut-être doit disparaître totalement de votre esprit. En fait, ressentez que vous l’avez déjà fait. Chaque fois que vous faites un essai au cent mètres ou au saut en longueur, ressentez que vous l’avez déjà fait. Vous courrez alors avec cette forme de confiance, et vous sauterez avec cette forme de confiance. Ne pensez pas, ne serait-ce qu’une seconde, aux autres coureurs, aux autres sauteurs. Non, non ! Vous n’avez pas le temps de penser aux autres ni d’entendre parler d’eux. Ce n’est pas que vous ne les aimez pas. C’est simplement qu’à chaque fois que vous pensez à eux ou que vous en entendez parler, très souvent des pensées désagréables ou distrayantes vous assaillent. Alors ne pensez pas aux autres. Ressentez simplement que vous êtes vous-même votre propre rival le mieux placé.

J’ai tellement confiance en vous. Mon souhait le plus cher serait que vous ressentiez cette confiance en vous-même lorsque vous courez et sautez, parce que vous devez savoir que votre confiance est votre vitesse la plus rapide ; votre confiance est votre plus long saut. Et cette confiance apparaîtra au grand jour grâce à votre vie de prière et votre vie de méditation. Chaque fois que vous priez et méditez, ressentez simplement que vous vous transcendez. Et une fois que vous aurez commencé à vous transcender, personne ne pourra arriver à votre niveau. Vous serez toujours à votre hauteur suprême.

2 ou 3 heures d’entraînement et 5 minutes de méditation matin et soir

Chaque jour, vous passez deux ou trois heures à vous entraîner en course et en saut. Si chaque jour, vous pouvez également prier et méditer ne serait-ce que cinq minutes le matin et le soir et, si possible, à midi aussi, cela vous aidera beaucoup. La prière est votre force intérieure et votre puissance intérieure, et cette puissance intérieure est infiniment plus forte que n’importe quelle force extérieure.

Quand je regarde le poids de sept-mille livres que j’ai soulevé, je suis le premier à ne pas croire ce que j’ai fait. Si j’utilise mon mental, je serai moi-même celui qui doute le plus de moi. Mais je sais que c’est le Suprême en moi qui l’a fait parce qu’Il a voulu S’exprimer de cette manière en moi et à travers moi. Dans votre cas, c’est exactement la même chose. Vous ne le voyez pas parce que vous n’avez pas encore la vision intérieure qui vous permet de voir l’invisible. Mais lorsque nous développons notre vision intérieure, nous voyons bien que Dieu qui est infini, éternel et immortel, progresse Lui-même en nous et à travers nous. À chaque instant, Il n’a qu’une seule hâte, c’est de nous aider. Malheureusement, nous ne nous reposons tout le temps que sur nos propres capacités. Nous pensons pouvoir tout faire, mais les capacités que nous avons sur le plan physique ne nous aident pas toujours. En devenant Son instrument et en Lui permettant de Se manifester en nous et à travers nous, nous recevrons aussitôt une immense confiance.

Chaque fois que vous venez, je vous offre mon sentiment d’unité sous la forme de conseils, mais je vous en prie, ressentez que mon affection et ma sollicitude pour votre succès est sans limites, sans limites, sans limites. Ainsi, où que vous  alliez – que ce soit au Texas, en Allemagne ou ailleurs – je vous en prie, priez trois fois par jour avec une ferveur intense. Il est particulièrement important de le faire avant les Jeux Olympiques. C’est comme pour un élève. L’élève étudie toute l’année, mais avant l’examen, il travaille dur, très dur, le plus dur – avec plus de diligence, plus de ferveur qu’avant.

Carl Lewis : J’aimerais simplement vous dire que c’est une période spéciale et une année spéciale pour moi. Je crois vraiment que c’est une année qui me fera mettre en œuvre tous les outils dont je dispose pour être le meilleur. Je veux faire plus que vous remercier pour la motivation que vous me donnez, pour votre compréhension constante de mes besoins  et leur satisfaction, et enfin pour me donner de l’énergie quand j’en ai besoin.

Sri Chinmoy : La vie extérieure est limitée mais la vie intérieure est sans limites ; l’énergie intérieure qui provient de la Source est sans limites. En même temps, la vie extérieure peut aussi devenir illimitée, si elle établit son unité inséparable avec la vie intérieure. Vous parliez à l’instant de l’énergie. Cette énergie est inépuisable ; elle est sans naissance et sans mort. Mais il n’y a qu’une seule manière d’accéder à cette énergie : par la prière et la méditation. Il n’y a pas d’autre manière. Pour accomplir quelque chose de concret dans la vie, il peut y avoir plusieurs manières de le faire. Mais s’il s’agit de quelque chose de vraiment significatif, de durable, d’éternel – un succès, un progrès importants, ou encore une gloire importante que vous voulez offrir à Dieu – vous devez alors faire venir en avant cette énergie intérieure. Dans le monde intérieur, elle est à notre disposition, mais la plupart des gens ne prennent pas la peine de la faire venir en avant. Ceux qui le font sont capables d’offrir quelque chose de très spécial à la fois à l’humanité et à la divinité.

Je suis très, très content que vous ayez fait de la vie intérieure une partie intégrante de votre existence. Alors je vous en prie, je vous en prie, priez et méditez chaque jour – seulement cinq minutes le matin et le soir et, si possible également à midi. Ce que je vous demande, c’est de plonger profondément en vous, et de faire venir en avant votre énergie illimitée de votre vie de prière. Le succès vous appartiendra entièrement.

La finale du 100 mètres aux JO de 1988

Sri Chinmoy se rendit à Séoul en Corée, pour voir Carl Lewis disputer les Jeux Olympiques de 1988. Il le rencontra à Séoul le 25 septembre, le lendemain de sa défaite à la finale du cent mètres. Dans une course épique, Carl Lewis, le champion en titre du cent mètres, fut défait par Ben Johnson. Comme l’année précédente à la finale du championnat du monde à Rome, Carl Lewis fut ébranlé par le départ fulgurant de Ben et il lui jeta à trois reprises un coup d’œil, n’en revenant pas de ce départ rapide, énorme. Johnson gagna en 9,79 secondes, un nouveau record du monde, alors que Carl Lewis fit un temps de 9,92 secondes. Trois jours plus tard, Johnson fut testé positif aux drogues, sa médaille lui fut confisquée,  Carl Lewis reçut la médaille d’or et fut crédité d’un nouveau record olympique.

Sri Chinmoy : Maintenant, s’il vous plaît, dites-moi, pourquoi vous – un champion du monde- avez jeté un coup d’œil à votre droite au bout de 75 mètres ? Même un débutant, un novice, aura reçu la recommandation de ne pas faire cela . C’est une erreur vraiment déplorable ! J’étais tellement triste quand je vous ai vu le regarder. Au départ, votre but était devant vous, et ensuite, vous avez changé votre but. Il est devenu votre but au lieu de la ligne d’arrivée. Vous avez une telle détermination, une telle volonté de pouvoir que vous auriez pu aisément batailler jusqu’à la fin. Mais au lieu de cela, vous n’avez pas maintenu votre volonté inébranlable, et au bout de soixante-quinze mètres, vous avez abandonné. Comment cela a-t-il pu se passer ?

Carl Lewis : Je n’ai pas d’explications. Lorsque j’ai vu qu’il était tellement loin devant, j’ai été choqué pour la première fois. Vous avez raison.

Sri Chinmoy : Je vous le dis, jusqu’au tout dernier moment, rien n’est décidé. Dans la boxe, il y a douze rounds. Même si quelqu’un mène aux points après le onzième round, vous pouvez encore le mettre KO dans le douzième round. Et c’est fini ! Si vous le mettez KO, les points ne comptent pas. De la même manière, peu importe la distance qui vous sépare d’un coureur devant vous, la seule chose qui compte, c’est celui qui va toucher le ruban le premier. L’objectif n’est gagné qu’à ce moment là. Disons qu’il a remporté les premiers rounds. Mais ces rounds ne veulent rien dire. Si vous êtes déterminé à l’achever dans le dernier round, alors pourquoi vous inquiéter des tous premiers rounds ?

Je dis tout cela pour convaincre votre mental. Peu importe de combien de mètres votre adversaire vous précède, dès que vous le regardez, vous entrez dans sa conscience et vous perdez votre propre conscience. Vous êtes surpris et choqué qu’il soit devant vous. Mais quand vous êtes choqué, vous invoquez une sorte de force qui entre en lui et l’aide. Alors que si vous ne pensez qu’à votre but, alors vous entrez dans la conscience de Dieu et Dieu vous aide. C’est comme ça. Lorsque vous pensez à votre adversaire – même si c’est pour vous demander comment vous allez le battre – une petite portion de votre détermination va vers lui et s’additionne à sa capacité. Mais si vous ne pensez qu’à votre but, alors Dieu vient augmenter votre détermination.

C’est facile pour moi de parler mais je souhaite simplement vous exprimer ma sympathie, et vous rappeler que la prochaine fois, même si quelqu’un vous devance de quatre mètres, cette personne n’est pas le but. Votre but reste la ligne d’arrivée.

La terre a un cœur

Le 24 juin 1989, alors que Carl Lewis était à Paris pour des rencontres athlétiques importantes, Sri Chinmoy se trouvait également à Paris pour donner un Concert de Paix. Carl Lewis se souvient d’une conversation qu’il eut avec Sri Chinmoy lorsque le maître spirituel lui rendit visite à son hôtel

Carl Lewis :  Jusqu’à aujourd’hui, je pensais que j’avais entendu toutes les excuses possibles pour avoir couru une mauvaise course, échoué dans nos expectatives ou simplement raté un record du monde. Mais ce matin-là, j’entendis une nouvelle explication : la Terre avait un cœur, et notre équipe de relais n’avait pas été suffisamment longtemps en France pour pouvoir ressentir ce cœur et se sentir bien avec lui avant la course.

L’explication venait de Sri Chinmoy, qui était à Paris pour une nouvelle tournée pour promouvoir la paix mondiale. J’ai été content quand j’ai entendu qu’il était là, parce qu’il souhaitait rencontrer mes coéquipiers et c’était là une bonne occasion. Dans le hall d’entrée de notre hôtel, Joe Deloach, Floyd Heard, Leroy Burrell et moi-même avons rencontré Sri Chinmoy. Il fut étonné d’apprendre que nous étions arrivés un seul jour avant notre course.

« Cela explique pourquoi vous n’avez pas remporté le record du monde », dit Sri Chinmoy, égrenant ses mots lentement, ses yeux s’ouvrant et se fermant comme il parlait, sa tête légèrement penchée comme s’il se concentrait sur ses pensées.  « La Terre a un cœur. Toute chose a un cœur, un esprit et un cœur. Quand vous prenez un avion pour venir ici, vous devez passer suffisamment de temps sur le terrain pour en ressentir le cœur. Oui, c’est important. Et vous avez manqué le record que de très peu. Dans un lieu nouveau – vous devez comprendre cela – vous devez être sur le sol bien plus tôt que le jour où vous courez.»

J’ai souri et hoché la tête, ayant l’habitude de la manière dont Sri Chinmoy expliquait les choses. Mais mes coéquipiers étaient un peu stupéfaits. Ils n’ont pas dit grand chose à Sri Chinmoy. Ils se sont contentés d’observer.

Sri Chinmoy m’offrit un gâteau d’anniversaire, une semaine plus tôt que mon anniversaire, mais il tenait à ce que je le reçoive. Sri Chinmoy  nous souhaita bonne chance pour le reste de notre voyage, et puis ce fut tout.

De retour dans ma chambre, Joe, Floyd et Leroy tombèrent d’accord sur un résumé en un seul mot de ce qu’ils venaient de voir : « Intéressant. »

Avant d’aller à Tokyo en août 1991 pour les championnats du monde, Carl Lewis dit à Sri Chinmoy : « Je vais suivre votre conseil et m’y rendre deux semaines plus tôt. » À ces jeux, Carl Lewis établit un nouveau record du monde en 9,86 secondes pour cent mètres à un âge exceptionnellement tardif ( pour un sprinter ) de trente ans.

Carl Lewis offrit sa victoire, ce nouveau record du monde, à son père Bill qui était décédé un an plus tôt. À son retour en Amérique, Carl Lewis, accompagné de sa mère et de sa sœur, rendit visite à Sri Chinmoy à New York. Sri Chinmoy les reçut avec les mots suivants :

« Je suis tellement fier de vous parce que vous avez offert votre victoire à votre père. C’est la preuve que vous croyez en l’esprit. Un être humain ordinaire dirait, « Oh, mon père n’est plus là. » Mais vous avez maintenu une connexion intérieure si forte, si puissante avec le cœur de votre père. Cela signifie que vous avez maintenu la liaison entre la Terre et le Ciel.

Votre cœur attire de la force cosmique, de l’énergie cosmique, de la lumière cosmique d’En-Haut. Vous avez plusieurs amis intérieurs, mais ils sont invisibles. Je les appelle des forces divines. Elles travaillent avec tant de force et de succès en vous et à travers vous. Lorsque vous sautez ou courez, il y a tant d’énergie cosmique, de lumière cosmique et de pouvoir cosmique qui viennent s’ajouter à votre capacité physique et vous aident. Vous ne pouvez voir ces capacités invisibles que si vous utilisez l’œil intérieur, le troisième œil. En utilisant votre œil intérieur, vous verrez que vous avez beaucoup d’amis qui meurent d’envie de vous aider. C’est parce que votre victoire est leur victoire, tout comme leur victoire est votre victoire. Mais si vous ne voulez dépendre que de l’aide terrestre, cette aide intérieure ne vient pas à vous. »