Le jeu des forces intérieures

Les Problèmes de la Vie

L’ignorance

Nous savons tous ce que sont l’ignorance et la lumière. L’ignorance ou l’obscurité nous apparaissent sous forme de tentation, contrairement à la lumière, qui elle, apparaît sous forme d’unité absolue. La lumière nous dit : « Toi et moi sommes un », tandis que l’obscurité nous dit : « Non, toi et moi sommes deux. »
L’obscurité nous tente en disant : « Ce que je possède est très doux, très joli et fascinant. Je suis venu te l’offrir. » Nous demandons alors à essayer, puis à voir, sentir et goûter. C’est ainsi que nous sommes pris au piège et nous sommes perdus.
Lorsqu’elle nous apparaît, la lumière nous dit : « Nous sommes unis. Toi et moi sommes un. Ce que je possède en moi, tu le possèdes également. » La lumière nous dit qu’elle possède la paix, la béatitude, la félicité et la puissance et que nous trouverons également tout cela en cherchant au fond de nous-mêmes.
Mais notre mental, qui vit dans une conscience limitée, préfère acquérir quelque chose qui ne se trouve pas déjà en lui. Il se dit : « À quoi bon chercher quelque chose que j’ai déjà ? » C’est pourquoi, lorsque l’obscurité le tente avec quelque chose d’extérieur à lui, il s’en empare, que ce soit bon ou non. Il veut cette chose uniquement parce qu’il ne la possède pas. C’est pour cela que nous aimons tant l’ignorance.
Pourquoi chérissons-nous l’ignorance ? Premièrement, parce que nous avons envie de ce que les autres possèdent. La vue de quelqu’un de très riche nous donne aussitôt envie d’être riche. Une personne heureuse nous donne immédiatement envie d’être heureux. Nous regardons constamment autour de nous pour voir ce que les autres font et puis nous essayons de les imiter. Nous nous trouvons stupides de ne pas avoir ce que les autres ont. Tout le monde a de l’ignorance. Nous en avons également, mais nous pensons être inférieurs si nous n’en avons pas une bonne quantité.
Un enfant possède un ballon, et pour lui, ce ballon est ce qu’il y a de mieux sur terre. Il n’a pas envie de se dire que ce ballon ne va pas durer longtemps, et qu’il va bientôt éclater. Pour lui, la seule chose qui compte est que ce ballon lui appartient et il ne veut pas s’en séparer. L’ignorance est comme un ballon. Nous avons l’impression que si nous étions privés de ce jouet, nous serions complètement perdus et démunis. Mais lorsque nous entrons consciemment dans la vie spirituelle, nous voyons que l’ignorance ne cesse de nous tenter et ne nous satisfait jamais. Nous comprenons que plus nous jouons avec le ballon, plus nous sommes frustrés et abattus. Il faut savoir ce que l’on veut : la tentation ou bien la satisfaction. Si nous choisissons la satisfaction, la tentation doit être rejetée.
Dans notre vie quotidienne ordinaire, l’ignorance est comme un chameau qui mange des épines qui lui blessent la bouche, mais qui continue parce qu’il en a pris l’habitude. Lorsque l’âme entre dans le corps, elle y exerce sa domination pendant un, deux, trois, quatre, cinq ou six ans. Tant que le mental n’est pas encore puissant, l’âme peut garder le dessus. Mais l’enfant commence progressivement à apprendre beaucoup de mauvaises choses de ses parents, de voisins, d’amis et du monde en général. En grandissant, il voit beaucoup de faiblesses chez ses parents, sans savoir encore que ce sont des faiblesses. Il pense que ce sont des qualités dont il a besoin pour vivre sur terre, alors il commence à chérir, au niveau de son mental, son vital ou son physique, toutes les pensées que ses sens reçoivent du monde extérieur. Dès qu’il commence à utiliser ses sens physiques sans être inspiré par le cœur, l’obscurité entre dans ses yeux et l’aveugle, et le mensonge entre dans ses oreilles et les empoisonne. Toutes les qualités négatives du monde entrent en lui et il les apprécie, consciemment ou inconsciemment.
Comment conquérir l’ignorance ? En ce monde, nous ne connaissons que deux choses : « je veux » ou bien « je ne veux pas ». Nous acceptons ou bien nous rejetons. Dans le Jeu cosmique de Dieu, il n’y a que deux choses : l’ignorance et la sagesse. Toute pensée est composée d’ignorance et d’obscurité, ou de sagesse et de lumière. Il n’y a rien entre les deux. C’est soit l’obscurité, soit la lumière qui remplit le réceptacle. C’est pourquoi nous devons encourager la lumière à entrer dans le réceptacle.
De même qu’il n’y a pas de limites à l’obscurité, il n’y en a pas à la lumière. Il dépend de nous de vivre dans l’obscurité et l’ignorance ou bien dans la lumière. Aujourd’hui, il est difficile pour l’homme de vivre dans la lumière. Il lui est plus facile de vivre dans l’obscurité parce qu’il s’y est habitué. Mais il trouvera extrêmement difficile de vivre dans l’ignorance et dans l’obscurité après avoir commencé à aspirer sincèrement à vivre dans la lumière.


Question : La souffrance est-elle nécessaire ?

Sri Chinmoy : Les gens pensent en général que la traversée de souffrances, de difficultés et de maux physiques purifie notre système. Cette idée n’est pas fondée sur la réalité. Beaucoup de gens souffrent en raison de leur karma passé ou bien parce qu’ils sont attaqués par des forces non divines et on ne peut pas dire pour autant qu’ils sont proches de leur destination. Non ! Pour atteindre leur destination, ils doivent aspirer avec sincérité. Nous ne devons pas accueillir la douleur ; lorsqu’elle apparaît, nous devons essayer de la conquérir, parce que très souvent, la souffrance, qu’elle soit physique, mentale ou émotionnelle, ne fait qu’interférer dans notre aspiration.
La douleur physique, vitale ou mentale doit être, soit conquise, soit transformée en joie grâce à notre imploration intérieure constante de ce qui va nous apporter une satisfaction réelle et permanente. Dans la vie spirituelle, la meilleure chose à faire est de considérer une douleur inévitable comme une expérience qui doit être transformée en une expérience de joie. La joie est la seule réalité éternelle, la seule réalité permanente et perpétuelle. Il est faux de penser que chaque fois que nous souffrons, nous nous rapprochons de notre but.
Il n’est pas du tout nécessaire de passer par la souffrance avant d’entrer dans le Royaume de la Félicité. Beaucoup de gens ont réalisé Dieu à travers l’amour. Le Père a de l’amour pour son enfant, et l’enfant a de l’amour pour le Père. Cet amour nous conduit vers notre but. Notre philosophie met l’accent sur la voie positive pour approcher la Vérité. Nous avons une lumière limitée, alors augmentons-la. Puis progressons de davantage de lumière à une lumière abondante jusqu’à la Lumière infinie.
La plus grande découverte est ceci : nous provenons de la Félicité, nous grandissons dans la Félicité, et à la fin de notre voyage, nous retournons à la Félicité. La Félicité se trouve dans le monde intérieure, tandis que le monde extérieur est plein de souffrance. Nous voyons les gens se disputer et se battre. La peur, le doute, la colère, la jalousie et toutes sortes d’autres éléments non divins nous torturent. Mais si nous allons au fond de nous-mêmes, avec la force de notre méditation la plus élevée, nous découvrons que la Félicité est notre origine, notre Source. Nous comprenons que c’est dans la Félicité que nous jouons le Jeu cosmique et qu’à la fin de ce Jeu cosmique, nous retournerons à la Félicité.


Question : Pourquoi devons-nous traverser des expériences comme la souffrance et la tristesse ?

Sri Chinmoy : Pourquoi vivons-nous l’expérience de la souffrance ? Dans ce monde, nous faisons tout le temps des erreurs, que ce soit consciemment ou inconsciemment. Lorsque nous les faisons consciemment, nous savons très bien ce que nous avons fait de mal. Mais malheureusement, nous ne réalisons pas tout ce que nous faisons de mal inconsciemment. Ces erreurs inconscientes se manifestent dans le monde physique, et leurs résultats s’imposent à nous sous forme de souffrances. Dans le cas de personnes ordinaires qui n’aspirent pas, la sincérité finit par apparaître après d’immenses souffrances, et leur âme les mène à la connaissance et à la sagesse. Ceux qui ont fait des erreurs répétées mais dont l’aspiration sincère les pousse à comprendre la raison de leurs souffrances seront éclairés par leur âme qui se manifeste et leur donne l’explication. Les personnes spirituelles s’efforcent de ne pas faire d’erreurs consciemment, mais elles n’échappent pas aux erreurs inconscientes. Celles-ci peuvent être évitées uniquement à travers l’aspiration, la prière et la méditation. La Grâce et la Compassion de Dieu protègent ceux qui aspirent.
Il y a une autre chose que nous devons savoir à propos de ce que nous appelons la souffrance. Nous pensons souvent à Dieu, nous prions Dieu et méditons sur Dieu, et puis nous voyons toutes sortes de problèmes nous arriver. Certains disciples m’ont dit : « J’étais très heureux avant d’entrer dans la vie spirituelle. Maintenant, j’ai davantage de problèmes qu’avant. » Mais si nous sommes vraiment sincères, nous admettrons que nous avions les mêmes difficultés avant d’entrer dans la spiritualité, mais nous n’en étions simplement pas conscients. La spiritualité est la voie de l’éveil et de la conscience. Auparavant, il nous arrivait beaucoup de choses, mais nous étions comme un solide rempart, et nous n’en étions pas conscients. Mais à présent, nous sommes des aspirants, et nous sommes affectés chaque fois qu’une bonne pensée ou une mauvaise pensée nous vient à l’esprit. Nous sommes contents s’il s’agit d’une pensée divine, et nous sommes frustrés et déçus s’il s’agit d’une mauvaise pensée. C’est le résultat de notre éveil spirituel. Si nous sommes sincères, nous nous rendrons compte que nous avons toujours eu les mêmes difficultés et les mêmes souffrances, simplement nous n’en étions pas conscients.
Par ailleurs, nous devons savoir que lorsque nous entrons dans la vie spirituelle, nous sommes attaqués par les forces hostiles. Avant, tant que nous vivions dans l’ignorance et que nous étions esclaves de l’ignorance, celle-ci nous laissait dormir. Tant qu’elle nous avait sous son contrôle, tant que nous nous prélassions en elle, elle ne nous dérangeait pas. Mais dès que nous essayons de lui échapper, l’ignorance essaye de nous retenir. C’est pourquoi l’aspirant a parfois l’impression d’avoir des difficultés au début de son voyage spirituel qu’il n’avait pas auparavant, mais en progressant, ces difficultés disparaissent.
Dieu ne veut pas que les hommes souffrent. Il est le Père de l’Amour. Lorsque nous allons voir notre Père, nous n’avons pas besoin de nous couper un bras ou la gorge. Nous allons Le voir avec tout notre amour, parce qu’Il nous attend avec tout Son Amour. Si nous pensons devoir souffrir pour aller voir notre Père, c’est stupide. Dieu, notre Père, ne veut pas de notre souffrance.
Mais lorsque la souffrance arrive, nous devons nous dire qu’il y a une intention divine dans cette souffrance même. Si nous aspirons véritablement, la souffrance même nous donnera une véritable expérience qui nous fera ressentir que nous approchons de notre but. Nous ne devons jamais faire porter le blâme de notre souffrance à Dieu. C’est nous qui avons invité la souffrance à travers nos erreurs conscientes ou inconscientes. Lorsque la souffrance vient à nous, nous devons prier Dieu de nous libérer de cette souffrance. Sachons que la souffrance n’est pas notre but ; le but est la Félicité. Une fois que nous sommes entrés dans la souffrance et que nous l’avons dépassée, nous voyons qu’elle devient Félicité. Nous pouvons alors demeurer dans la Félicité qui se trouve dans la souffrance.


Les problèmes ne sont pas des indices de l’incapacité de l’homme. Les problèmes n’indiquent pas l’inaptitude de l’homme. Les problèmes n’indiquent pas l’insuffisance de l’homme. Les problèmes indiquent le besoin conscient de l’homme de se transcender dans les mondes intérieurs, et son besoin conscient de se parfaire dans les mondes extérieurs.

Vous avez un problème. Il a un problème. Elle a un problème. Votre problème est que le monde ne vous touche pas les pieds. Son problème est que le monde ne l’aime pas. Son problème est qu’elle pense ne pas aider Dieu convenablement dans le monde. Pour résoudre votre problème, vous devez conquérir votre fierté. Pour résoudre son problème, il doit conquérir son avidité. Pour résoudre son problème, elle doit conquérir son ego prétentieux, arrogant et empli de désirs.

Chaque problème est une force, mais lorsque nous voyons le problème, nous ressentons une plus grande force au fond de nous ; lorsque nous faisons face au problème, nous lui prouvons que non seulement nous avons la plus grande force sur terre, mais que nous sommes cette force.

Un problème augmente lorsque le cœur hésite et que le mental calcule. Un problème s’atténue lorsque le cœur brave le problème et que le mental encourage le cœur. Un problème diminue lorsque le mental utilise sa lumière qui cherche et que le cœur utilise sa lumière qui illumine.

Si notre problème est la peur, nous devons ressentir que nous sommes les soldats choisis de Dieu Tout-Puissant. Si notre problème est le doute, nous devons ressentir que nous possédons l’Océan de la Lumière de Dieu au fond de nous. Si notre problème est la jalousie, nous devons ressentir que nous sommes l’unité de la Lumière et de la Vérité de Dieu. Si notre problème est l’insécurité, nous devons ressentir que Dieu n’est autre et ne peut être autre que l’assurance constante et ininterrompue d’être revendiqués par Dieu comme Son propre bien.
Si le problème vient du corps, il peut être résolu par notre vigilance et notre attention constantes. Si le problème vient du vital, il peut être résolu par notre imagination débordante. Si le problème vient du mental, il peut être résolu par notre inspiration qui apporte la lumière. Si le problème vient du cœur, il peut être résolu par notre aspiration qui apporte la perfection. Si le problème est la vie, il peut être résolu par notre découverte de soi qui nous conduit à la réalisation.

Un problème individuel naît lorsque l’être humain fini veut posséder l’humanité infinie. Un problème universel naît lorsque l’Infini veut mouler, guider, façonner, transformer et satisfaire divinement et suprêmement le fini, mais que le fini ne veut pas écouter les ordres de l’Infini.

Un problème n’annonce pas un échec ou une défaite. Un problème peut être transformé en Mains du Suprême qui nous appellent pour nous emmener vers notre But destiné, le But de l’Au-Delà qui se transcende et se réalise à jamais.

Question : Vous avez dit que lorsque nous pouvions voir un problème et lui faire face, nous trouvions automatiquement une force plus grande que le problème. Est-ce que cela veut dire qu’un problème n’en est pas un dès lors qu’on sait comment le regarder?

Sri Chinmoy : Si on sait comment regarder un problème, la moitié de la force du problème disparaît. Mais d’habitude, nous essayons d’éviter le problème, nous partons en courant. Avoir un problème n’est pas un crime, alors pourquoi avoir peur de lui faire face ? Notre difficulté est que lorsqu’il nous arrive quelque chose de désagréable, nous avons tout de suite le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal, d’avoir fait une erreur. Nous devons savoir qu’il y a également de mauvaises forces, des forces non divines ou hostiles autour de nous. Nous croyons en la loi du karma, qui dit que nous devons souffrir plus tard des erreurs que nous commettons. Mais l’ignorance du monde peut venir nous torturer même lorsque nous ne faisons rien de mal. Regardez le Christ. Il était un grand Maître spirituel, qui n’avait pas de mauvais karma et n’avait rien fait de mal ; pourtant, l’ignorance du monde L’a crucifié. Certes, on ne peut se comparer au Christ, mais à notre niveau, nous devons nous dire que nous n’avons pas forcément tort.
En s’accusant et en essayant de se cacher, on ne résout pas le problème. Nous devons faire face à la situation et voir si nous sommes vraiment coupables. Si quelqu’un d’autre crée le problème, nous devons résister comme un solide rempart et ne pas permettre à ce problème d’entrer en nous. S’il s’agit de ma maison, de mon rempart, je ne permettrai à personne de passer. Mais si je suis le problème en soi, ce problème sera infiniment plus difficile à résoudre. Pour le résoudre, je dois pratiquer la vie spirituelle et développer une force intérieure, une aspiration et un détachement intérieur. Lentement et progressivement, je deviendrai intérieurement fort et serai capable de résoudre tous les problèmes causés par moi-même, par mes propres faiblesses intérieures.